On appelle Conjectures "la formation d’opinions fondées à partir de données incomplètes" (définition du dictionnaire anglais Oxford).
Avitus, le futur saint, est né exactement au milieu de ce que l’historien français, Fernand Braudel, appelle « Les huit siècles les plus obscurs de l’histoire de France ».
Grégoire de Tours a écrit le seul récit de sa vie environ deux générations après sa mort. Il n’avait pu s’appuyer que sur des informations portées par des histoires orales qui avaient été enjolivées par les conteurs, et il avait écrit dans le style de l’époque, la fin de l’antiquité romaine où il était habituel d’embellir les personnes et leurs actions.
Il y aurait pu y avoir des archives de l’époque dans les documents de l’abbaye de St Avit Sénieur, mais ils ont probablement été détruits lors du pillage de l’abbaye en 1577.
Note du rédacteur de l'article Mr Ian Pickering:
Je ne suis pas un érudit et je me suis appuyé sur les ouvrages de ceux qui le sont (voir bibliographie en fin de
page), et bien sûr, sur Internet Je voudrais remercier Nancy Dawson pour son aide et ses commentaires pertinents, ainsi que son utile mis en page. Je voudrais aussi remercier Hélène Descudé pour
la traduction en Français. Ian Pickering Novembre 2010.
Note de l'association au sujet de la protection des droits d'auteurs: veuillez nous contacter si vous considérez que vos droits d'auteurs n'ont pas été respectés.
L'association remercie grandement tout le considérable travail de recherches fait par Ian Pickering.
Un autre historien, Fustel de Coulanges, a prononcé ces paroles célèbres sur cette époque « l’empire romain est mort, et personne ne l’a remarqué ». La tête avait été tranchée mais le tronc et les jambes continuaient.
Ces caractéristiques de l’époque gênent nos tentatives pour en connaître plus sur Saint Avit d’où le titre de cet article « Conjectures ». Nous pouvons, cependant, essayer de retracer une partie de sa vie, en considérant l’histoire générale de son époque.
A l’époque de la naissance de Avitus, l’empire romain d’occident avait éclaté en de multiples royaumes barbares, bien que de forts systèmes de gouvernement soient toujours en place et que nombreux étaient ceux qui se croyaient toujours au sein de l’empire romain.
La gaule était divisée entre les Wisigoths, au Sud de la Loire en Aquitaine, les Burgondes à l’est et les Francs au nord de la Loire. Avitus est né dans le royaume barbare des Wisigoths.
Le mot « barbare » ne signifiait pas comme aujourd’hui « sauvage ». En fait, il dérivait d’un mot grec qui voulait dire « Quelqu’un qui parle une langue étrangère », c’est à dire, quelqu’un que
l’on ne pouvait pas comprendre. Pour les Romains, barbare signifiait « étranger ».
Il y eut trois incursions distinctes dans l’empire Romain que l’on appela, ”les invasions barbares”.
Les Wisigoths émergèrent en tant que peuple bien distinct après la fusion de plusieurs tribus de Goths. Ils s’installèrent en Aquitaine, partie de l’empire Romain, après qu’on leur eut donné de la terre dans la Vallée de la Garonne pour les remercier d’avoir aidé l’armée romaine à chasser de la Gaule les Vandales.
C’était une habitude courante chez les barbares, de se battre pour les Romains. Il y avait des légions barbares et même, beaucoup de généraux Romains étaient des barbares. Les Romains appréciaient cette relation mais n’encourageaient pas l’immigration.
Les Wisigoths créèrent leur royaume en exploitant la faiblesse qui se développait dans l’empire romain le faisant s’étendre plus au Nord jusqu’à la Loire. En 456 ils envahirent l’Espagne. Ils apprirent à parler latin et s’approprièrent l’administration romaine plusieurs générations avant la naissance d’Avitus.
C’étaient des Chrétiens Ariens, s’étant convertis au Christianisme comme condition d’entrée dans l’empire Romain en 376. L’Arianisme était une hérésie; cette doctrine ne reconnaissait pas la divinité du Christ, disant que Christ était plus jeune que Dieu et non pas éternel.
Par conséquent pour les Gaulois de l’empire romain, les Wisigoths étaient des hérétiques. Comme ils étaient minoritaires dans la région, les Wisigoths semblent avoir respecté les droits du sol des Gallo-Romains et l’on a pu penser que leur invasion de l’Espagne était due seulement en partie à cause du besoin de s’établir sur de nouveaux territoires.
C’est tout cela qui nous donne un premier indice de la culture dans laquelle est née Avitus et qui a pu influencer le genre de personne qu’il est devenu.
D’après ce que l’on connaît de la légende de Saint Avit, il est issu d’une « bonne famille ».
Le terme de « bonne famille » signifiant d’une famille riche et ceci impliquant en outre, dans l’empire Romain, qu’ils étaient propriétaires terriens.
C’est à dire qu’ils possédaient et travaillaient leur propre domaine.
Il est né à Varennes, éloigné de la vallée de la Garonne.
Par conséquent, il était considéré comme étant Gallo-Romain, plutôt que Wisigoth. Probablement était-il lettré et Chrétien Romain, ce qui était alors la religion de l’état.
Sinon, une personne, « bien née », ne pouvait avancer dans l’échelle sociale de la société. Cependant, ceci est en contradiction avec la légende qui dit qu’il s’était converti au
Christianisme lorsqu’il était esclave des Francs, mais cette hypothèse peut s’expliquer.
La légende nous dit aussi qu’il a combattu dans l’armée des Wisigoths contre les Francs en 507.
Il aurait été recruté par les Wisigoths, qui, suivant la tradition romaine, exigeaient de recruter des hommes sur le terrain.
Malgré le fait que les Wisigoths soient des hérétiques et, à l’origine des étrangers, les Gallo-Romains leur prêtaient main-forte contre les Francs sous Clovis, même si les Francs s’étaient convertis au Christianisme, et bien que Clovis lui-même eut choisi, comme st patron d’Aquitaine, Saint Martin de Tours.
Les Francs, comme les Wisigoths, accrurent leur influence en s’amalgamant. Ils développèrent leur commandement en formant des bandes armées et Clovis fut l’un de leurs chefs le plus doué et impitoyable. C’était aussi un politicien avisé et ambitieux.
Sous Clovis, les Francs créèrent un royaume qui s’étendait du Nord de la Loire à ce qui est actuellement la Belgique, la Hollande et un partie de l’Allemagne de l’Ouest.
Clovis avait auparavant attaqué l’Aquitaine, mais ce fut le bataille de Vouillé en 507 qui fut décisive, quand les Francs défirent l’armée des Wisigoths conduite par Alaric. Ce dernier fut tué et Avitus fut fait prisonnier.
Clovis avait épousé Clotilde, princesse burgonde, qui était chrétienne. Elle essaya de le convertir, mais échoua. Il se converti bien, par la suite, mais personne ne sut vraiment quand. On rapport que la façon dont il se convertit ressemble vraiment à la conversion de Constantin, le premier empereur Romain Chrétien, si bien que Grégoire de Tours l’appela “Un second Constantin”.
Que ce fait relaté, soit vrai ou pas, sa décision de se convertir à la religion présente en Aquitaine était très clairement une décision politique.
Ceci peut expliquer pourquoi Avitus fut traité relativement bien, lui que l’on disait être devenu un membre estimé de la domesticité. (À laquelle il avait été vendu en tant qu’esclave)
Dans la société franque, les esclaves avaient une certaine valeur.
Les francs avaient un code de loi ayant établi une liste très claire d’amandes dues en cas de dommages aux gens et aux biens.
Ce système de dédommagement s’appelait « weregild » - « were » signifiant homme et « gild » signifiant dette ou paiement.
Le « weregild » était un paiement dû à la personne lésée. Les esclaves étaient traités comme des biens au même titre que le bétail et les charrettes et valaient 35 ‘solidi’.
Cependant, des esclaves ayant des qualités particulières pouvaient être estimés à une valeur de plus du double à 75 ‘solidi’. Contrairement aux esclaves de l’Empire Romain, il n’y a pas de preuve de mauvais traitement quelconque contre eux (bien que l’absence de preuve ne prouve pas que cela n’ait pas existé).
Il a été affirmé qu’Avitus avait été converti par Clotilde.
Si tel est le cas, il avait accès à la ‘Maisonnée’ de Clovis, mais, peut-être que cette affirmation a été insérée dans sa légende pour faire de lui un Saint plus important.
Clovis mourut en 511, trois ans après la capture d’Avitus et pourtant il ne revint pas en Aquitaine durant encore 11 ans.
Il est possible que l’Aquitaine ait été un état instable pendant quelques années puisque la résistance à l’avancée des Francs continuait sporadiquement.
Il est aussi possible que, pendant une partie de cette époque, il ait suivi une instruction religieuse.
Quand Avitus revint en Aquitaine, ce fut parce qu’il avait décidé de devenir moine et c’est cela qui nous explique pourquoi il a été remis en liberté, et c’est aussi l’explication de sa
conversion, ce qui apparemment, ne cadre pas avec la légende. D’après RCH Davies, (auteur d’une « Histoire de l’Europe médiévale ») quand quelqu’un décidait de devenir moine, on disait de lui
qu’il s’était « converti à la religion ».
Les Francs, comme les Wisigoths, accrurent leur influence en s’amalgamant. Ils développèrent leur commandement en formant des bandes armées et Clovis fut l’un de leurs chefs le plus doué et
impitoyable.
C’était aussi un politicien avisé et ambitieux. Sous Clovis, les Francs créèrent un royaume qui s’étendait du Nord de la Loire à ce qui est actuellement la Belgique, la Hollande et un partie de
l’Allemagne de l’Ouest.
Clovis avait auparavant attaqué l’Aquitaine, mais ce fut le bataille de Vouillé en 507 qui fut décisive, quand les Francs défirent l’armée des Wisigoths conduite par Alaric. Ce dernier fut tué et
Avitus fut fait prisonnier.
Les Francs, qui venaient des forêts de ce qui est maintenant l’Allemagne de l’Ouest, combattaient à pied, et, contrairement à l’armée wisigothe, ils étaient tous entraînés et avaient l’expérience de la guerre.
Ils se battaient en colonnes serrées, avec les haches et des lances à crochets, qu’ils utilisaient en les lançant.
On disait qu’ils couraient aussi vite que leurs missiles, laissant peu de temps à leurs opposants pour récupérer de l’orage des armes lancées.
Pour bien comprendre la bataille de Vouillé, il faut nous remémorer les armes de l’époque et les méthodes employées par les deux belligérants dans l’art de la guerre.
Les Wisigoths, venant des plaines d’Europe Centrale se battaient à cheval. (Un facteur qui leur permit d’ailleurs de vaincre l’armée romaine à Hadrianople en 378). En fin de compte, ils développèrent la cavalerie dirigée par un Seigneur local et son entourage de “chevaliers” – précurseur du Seigneur médiéval et du système féodal.
A la cavalerie s’ajoutait une armée de provinciaux, levée, parmi la population qui combattait à pied. Il va de soi que l’armée devait fournir elle-même ses armes, et qu’elle était relativement peu entraînée, surtout en comparaison avec les légions romaines des siècles précédents.
L’armée combattait, commandée par des chefs locaux et il est possible qu’Avitus ait été responsable de la levée de troupes sur ses terres, même si nous n’en avons pas de preuve.
Il est facile d’imaginer l’armée des Wisigoths sortant d’un tel assaut. La cavalerie était inopérante contre une telle colonne et les Wisigoths ne pouvaient effectivement pas utiliser le choc de la cavalerie contre une colonne présentant un mur de javelots face à eux.
Le fait de devenir moine devait automatiquement conduire Avitus vers la libération de l’esclavage, procédé connu comme « affranchissement », lui permettant de retrouver la liberté de voyager. Un moine était aussi censé se retirer du monde.
On a des preuves de la forte personnalité d’Avitus.
L’histoire nous dit qu’il avait été renvoyé d’un monastère parce qu’il choquait ses frères moines par une observance rigoureuse de la règle religieuse.
Ceci entraînant le fait qu’il cherchait un endroit où s’établir.
La légende raconte que Dieu lui dit, quand il arriva à St Avit Sénieur, que c’était là qu’il devait résider.
Il devint ermite, près de St Avit et d’après la légende, il vivait dans une caverne. Une vie d’ermite implique la solitude, mais ceci est peu probable en raison de la tradition monastique établie en Aquitaine par Saint Martin de Tours (autre soldat devenu moine).
Nous avons des notes contemporaines de son monastère, notes écrites par son ami Sulpice Severe.
« Et aussi beaucoup de frères avaient, de même, choisi des retraites pour
eux-mêmes mais la plupart avaient choisi des rochers dans des montagnes en surplomb, creusés en cavernes. Ils étaient environ 80 disciples, qui suivaient la règle donnée par l’exemple du St
Maître.
Personne là n’avait un seul objet qui lui appartint, tout appartenait à la communauté. Il n’était pas permis, non plus, d’acheter ou vendre quoi que ce fut, comme le veut la coutume entre la plupart des moines.
Aucun art n’était pratiqué là, sauf celui des scribes, et même cela était réservé aux frères les plus jeunes, tandis que les plus âgés passaient leurs temps en prières.
A peine si les moines s’éloignaient de leur cellule, sauf s’ils allaient se rassembler à l’endroit de la prière. Ils prenaient leurs repas ensemble, après que le temps du jeune soit passé. Personne ne buvait de vin sauf si la maladie les obligeait à en consommer. La plupart d’entre eux portaient des habits en poil de chameaux. Porter une robe de moine dont le tissu se voulait trop doux était considéré comme une faute grave, et l’on doit bien comprendre ce que ceci a de remarquable quand on sait que la plupart était de bonne ligne. ».
La communauté qui existait près de Saint Avit était probablement semblable, tout au moins plus petite. Ceci expliquerait un certain nombre de faits :
Quand la route des pèlerins vers St Jacques de Compostelle fut ouverte au 9/10ièmesiècle, le culte des saints avait été établi suivant l’idée d’un Dieu pratique.
Les saints intercédaient mieux auprès de Dieu et étaient utiles à cette intercession.
Par conséquent, c’était bien de les avoir par devers soi. Dans ce but, il valait mieux leur rendre visite et communiquer de près avec eux par l’intermédiaire
de leurs reliquaires, du lieu où ils avaient vécu ou bien où ils reposaient.
En tant que communauté existante avec les reliques d’un Saint, Saint Avit Sénieur deviendrait un centre de pèlerinage. Elle deviendrait aussi partie intégrante du pèlerinage vers St Jacques de Compostelle.
L’abbaye et le monastère furent construits sur un piton et, ainsi perchée, l’abbaye serait visible de loin dans ce qui serait un lieu relativement sauvage.
Pourquoi Avitus choisit il cet ermitage à St Avit ? Ceci peut être expliqué par une dernière supposition. Bien éloigné de tout, il restait assez près des terres de sa famille pour qu’elle subvienne à ses besoins. Je pense qu’il était revenu chez lui.
Ian Pickering
Mes ouvrages de référence:
Je ne suis pas un érudit et je me suis appuyé sur les ouvrages de ceux qui le sont.
Mes sources sont les suivantes :
Fernand Braudel « The Identity of France » vol 2
Peter Brown « The World of Late Antiquity »
NormanDavis « Europe - a History »
RHC Davis « A History of Medieval Europe »
Robert Fossier (ed) « The Cambridge Illustrated History of the Middle Ages » vol 1
Patrick J Geary « Before France and Germany »
Guy Halsall « Barbarian Migrations and the Roman West »
Denys Hay « The Medieval Centuries »
Peter Heather « The Goths »
« The Fall of the Roman Empire »
Edward James « The Franks »
Sir Charles Oman « The Art of War in the Middle Ages » vol 1
Richard Rudgelley « Barbarians – Secrets of the Dark Ages »
Et bien sûr, sur Internet
Ian Pickering